Chez l’adolescent

L’adolescence est une période « d’entre deux » vécue de manière singulière pour tout à chacun. C’est le temps du renoncement à l’enfance et du pas encore « adulte ». Le corps se transforme, change et se sexualise. Les relations de groupe d’appartenance apparaissent avec les autres et soi, entre être avec les autres tout en se singularisant. Perdre quelque chose de soi, devenir par son corps, par ce qu’on nous demande d’être, n’est pas évident pour l’adolescent. Ce qu’on était avant n’est plus. La question des origines, de la filiation et de son être peuvent alors jaillir sur la dimension familiale, sur les amis, sur les nouveaux modes relationnelles de la modernité. Il fait aussi avec l’antériorité de ce qu’il a pu vivre comme traumatismes infantiles. Il est difficile de toujours trouver les bonnes réponses à ce qui peut inquiéter, à ce qui n’appartient pas à la certitude, à la réalité objective. La juste distance n’est pas toujours très claire, et cela peut aussi en dérouter certains.

Le père, la mère et l’enfant sont convoqués à une place toute différente de la première période oedipienne. La recherche de l’objet du désir en renonçant à l’Autre, la découverte de la sexualité, des limites entre soi, l’autre et l’extérieur se placent au premier plan. Les interrogations sur la différence, la singularité et l’identité apparaissent. Le corps devient alors le support de la revendication, de sa découverte, de l’expérience des sens, de la sexualité et du genre (être femme, être homme).

Cette expérience des frontières de soi, de l’autre, peut parfois conduire l’adolescent à se mettre en danger, à vouloir ressentir ses propres limites. Ainsi le corps peut être parfois, le réceptacle d’une souffrance psychique qui ne peut être entendue pour l’adolescent que par cette voie. L’en-corps devient alors une surface pour l’expression d’un symptôme (scarification, mutilation, consommation, transformation…). C’est d’être trop sans être assez.

C’est donc un temps en mutation qui est au cœur de la problématique adolescente, en tant qu’il s’agit d’un processus. S’approprier un corps qui change, abandonner une part de notre enfance pour exister autrement n’est pas une mince affaire pour tous les jeunes. Le désir doit alors se reporter au delà du familial. Il s’agit alors d’identifier dans ce changement ce qui peut être parfois en décalage entre la représentation de ce qu’on était, de ce qu’on est et de ce qu’on voudrait être. L’espace intime devient alors une question vitale pour l’adolescent.

En conséquence, l’adolescent est lui aussi un sujet vulnérable, fragile car encore en maturation. C’est un passage transitoire avec des bouleversements et des réaménagements psychiques et physiques importants et violents pouvant parfois le mettre à mal.

Aujourd’hui, la modernité amène à réfléchir la clinique de l’adolescence de façon différente. L’émergence des réseaux sociaux, la place des téléphones portables, des jeux vidéos, de la représentation font partie intégrante de la vie des adolescents de nos jours. Ainsi, il est important d’en mesurer leur fonction et leur support, en accompagnant le jeune à pouvoir en verbaliser quelque chose, à pouvoir identifier ses propres limites, à réguler ce trop de jouissance. La place et le rôle des parents tout autant que celle des frères et soeurs et plus globalement de l’entourage sont importants et ne doivent pas être négligés. Le réajustement n’est pas simple à trouver face à l’enfant qui change et devient adulte. C’est aussi quelque part un renoncement pour les parents, de l’enfant qu’il était à l’adulte qu’il deviendra.

La souffrance à l’adolescence est d’autant plus forte qu’elle suit les rouages de l’évolution de l’adolescent, que ce soit au niveau du développement qu’au niveau de l’histoire familiale et subjective. Le corps peut souvent être l’objet support de la souffrance. On peut le remarquer dans l’anorexie, la boulimie, les mutilations (scarifications…), la violence physique, les agirs sexuels, l’isolement social, la dépendance qu’elle soit de type psychologique, physiologique ou comportementale, la décompensation etc. sont autant de signes et de manifestations qui alertent et alarment l’entourage mais parfois le jeune lui-même. C’est pourquoi, il semble important d’écouter la parole de l’adolescent et de pouvoir proposer un espace psychothérapeutique d’élaboration, afin de lui permettre de mettre des mots sur ce qui le traverse au delà du symptôme.